Je souhaite encourager toutes les femmes qui traversent des violences obstétricales, toutes les femmes puissantes que nous sommes !

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Je souhaite encourager toutes les femmes qui traversent des violences obstétricales, toutes les femmes puissantes que nous sommes ! 1920 1282 IRASF - Institut de Recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes

TÉMOIGNAGE ANONYME #balancetonaccouchement
accouchement : Février 2014 – Clinique Belledonne – Profession : étudiante

Bonjour,

Je viens déposer ici mon témoignage sur les violences que j’ai subi lors de mon premier accouchement le 23/02/2014. J’ai accouché à la Clinique Belledonne à côté de Grenoble, un dimanche, la veille de mon terme, accompagnée de mon ex belle-mère, le père biologique de ma fille n’ayant pas voulu venir.

Je suis arrivée à la maternité vers midi.

La gynéco de service a été d’emblée très énervée car je n’avais pas réalisé mon dernier bilan sanguin (bilan exigé par eux pour vérifier que mon taux de facteur 7 de la coagulation ne descendait pas – chose impossible vu que les taux de facteurs de la coagulation remontent pendant la grossesse, mais eux ne me croyaient pas et souhaitaient vérifier quand même tous les mois).

Elle ne me regardait pas dans les yeux et ne m’a pas adressée un bonjour, puis elle m’a menacée en me disant : « Comment je fais mon travail moi ?! Dans ces conditions, vous n’aurez pas de péridurale !« . Je lui ait répondu que de toute façon je n’en voulais pas.

Mes contractions n’étant pas trop rapprochées, on m’a conseillé d’aller me promener quelques temps et de revenir en milieu d’après-midi pour faire le point. J’ai mangé un petit sandwich à la boulangerie du coin. Mes contractions n’étaient pas très rapprochées mais très douloureuses dans les reins. Je suis revenue vers 14h30, là j’ai pu être admise, je suis partie installer mes affaires dans ma chambre et prendre une douche. Vers 15h30 j’ai été installée en salle de pré-travail. Il y avait un lit sur lequel je me suis installée. Toujours des contractions qui me faisaient me plier en deux. J’avais très froid et je grelottais, mais il n’y avait pas de couvertures. De temps en temps on venait me voir pour me demander si je ne voulais pas la péridurale, je répondais non. Mon ex belle-mère avait peur et me regardait dans un coin de la pièce sans me soutenir.

Ensuite, vers 18h30, on a commencé à parler de me transférer en salle d’accouchement, j’y ai été installée vers 19h. Je me suis retrouvée sur une table d’accouchement dure comme de la pierre, avec beaucoup de lumière. Dès que je m’asseyais sur le ballon j’avais très mal. Je cherchais des appuis sur le rebord de la table, j’ai dis à la SF que j’avais très mal et elle s’est affolée : « Oui, ça veut dire que vous allez bientôt accoucher ». Elle m’a demandé de monter pour me mettre le monito et la perfusion. J’étais très inconfortable. J’avais toujours très froid. Je voulais bouger pour me mettre sur le côté mais j’ai failli tomber de la table d’accouchement en posant ma main en appui dans le vide. Puis je me suis résignée à me mettre sur le dos car les SF « ne voyaient rien du tout ». Avec la moiteur sur la table revêtement plastique je ne pouvais plus bouger du tout. Mon dos était cassé en deux par la forme du dossier de la table. Une des SF a eu la très bonne idée de me masser un peu le dos, quel bien fou ça me faisait, je redevenais calme instantanément, puis elle s’est arrêtée brusquement pour aller dans une autre salle d’accouchement. J’étais déjà dans ma bulle, dans les « limbes », les yeux fermés, j’ai commencé à faire des vocalises et à onduler du bassin pour atténuer mes douleurs. A ce moment-là, la gynéco du début est entrée dans la salle brusquement, en disant : « Allez, allez, ça suffit maintenant ! ». Les SF se sont toutes tues dès qu’elle a passé la porte. Elles ont échangé quelques paroles sèches. Il y avait une tension palpable entre elles. La gynéco s’est penchée au-dessus de moi et a pris sa voix la plus douce pour m’annoncer « Je vais devoir faire une épisio, madame ». Je me suis sentie très déstabilisée par l’apparente douceur du ton de sa voix que je devinais être une manipulation de sa part pour me faire accepter cette épisiotomie. Je me suis faite sortir brusquement de ma bulle pour une discussion alors que je n’étais pas du tout dans de bonnes dispositions pour cela. J’ai dis avec toute l’énergie que je pouvais : « Non, je ne veux pas, car je vais avoir encore plus mal après ! ». Elle a répondu : « Pourquoi ? » toujours de son ton faussement bienveillant. deuxième sidération de ma part. J’étais déjà repartie dans ma bulle. Je n’ai rien répondu. Elle a enchaîné : « Votre périnée est trop court madame ». Les SF : « poussez ! poussez ! » à chaque contraction. Je poussais.

J’ai le souvenir de tous ces doigts qui m’écartaient le vagin comme on démoule un gâteau.

J’ai le souvenir de tous ces doigts qui m’écartaient le vagin comme on démoule un gâteau. Entre deux contractions, je me reposais, ma belle-mère qui était encore à côté de moi, qui visiblement voulait se rendre utile s’est mise à me parler longuement pour me dire que j’y étais presque, qu’il fallait que je continue.. Encore une autre perturbation, je tentais de me détourner de son visage. Il a fallu que les SF lui disent de se taire pour qu’elle arrête enfin. Puis j’ai passé ma main vers ma vulve, la gynéco l’a attrapée pour me la fourrer dans mon vagin, je tentais de me libérer de son étreinte. Puis mon bébé est descendu, à ce moment-là, il appuyait à un endroit qui a déclenché le réflexe d’éjection, mon corps poussait tout seul, quelle sensation incroyable. A ce moment-là la gynéco m’a incisée à vif (j’apprendrais après qu’il s’agissait d’une périnéotomie, incision en direction de l’anus), j’ai ressenti une douleur inimaginable, intolérable, et ma fille est sortie en un éclair, suivie presque tout de suite du placenta. Elle était sur moi, il y avait son petit corps que je découvrais pour la première fois, qui m’était étranger et familier à la fois. J’avais le cœur qui s’emballait. Le silence. J’ai ouvert les yeux quelques minutes après, j’ai vu ma fille. Elle est née à 20h28.

Puis on lui a passé une sonde dans l’œsophage, je la voyais se débattre, son visage qui se tordait de surprise et de douleur. J’ai pu la mettre au sein. Ensuite on me l’a prise, une puéricultrice certainement l’a emmenée un peu derrière moi pour lui mettre ses vêtements et son bonnet. Elle lui a parlé si longtemps… j’avais les yeux scotchée sur ma fille, je voulais qu’on me la rende, mais j’étais si fatiguée alors j’attendais, j’attendais… C’étaient des minutes incroyablement longues. Cette femme, qu’avait-elle de si important à lui dire, à mon bébé ?! Elle lui souriait, gazouillait avec ma fille. Comment est-ce que ça peut exister ?

Puis la gynéco m’a recousue à vif, là encore, je serrais les jambes à chaque point et je contractais mon périnée, ce qui faisait que les points étaient extrêmement serrés. Et j’apprendrais ensuite qu’il y en avait un de trop (point du mari). J’avais une asymétrie vulvaire, j’étais recousue plus serrée d’un côté.

Enfin, on m’a rendue ma fille, mais c’était de courte durée. En appuyant sur mon ventre, la SF a fait sortir beaucoup de caillots. J’étais en tachycardie depuis la naissance. Je me suis sentie partir, j’ai dis que je ne me sentais vraiment pas bien. Pendant que la SF pesait les poches de sang, une perf mal posée fuitait sur le côté par terre, il y avait du sang partout. La SF avait les mains qui tremblaient et me disait : pardon, je suis désolée. Mon bébé est resté avec ma belle-mère, on allait m’opérer, me faire une RU sous anesthésie générale.
J’ai été endormie à 22h et je me suis réveillée vers minuit. Je n’avais aucun bout de placenta qui était restée dans l’utérus. On m’a dit qu’on avait recousu une plaie dans mon vagin.

Puis j’ai été emmenée en réa, j’ai demandé ma fille mais on a refusé de me la donner. On m’a dit que j’avais été transfusée avec du plasma. Je ne parvenais pas à dormir, je voulais ma fille. J’étais mal, mal, mal. On me l’a amenée à 8h, dès que je l’ai vue passer la porte,je me serais jetée sur elle tellement elle m’avait manquée. Les SF me félicitaient pour avoir réussi à tenir sans péridurale, et s’émouvaient de nos retrouvailles. Je l’ai mise au sein. Je n’arrivais plus à marcher, on m’a soulevée jusque sur le lit de ma chambre. Les jours suivants je me déplaçais en fauteuil, j’avais le ventre si plat après toutes ces injections d’ocytociques et ces massages utérins pour stopper l’hémorragie. Je ne parvenais pas à manger mes repas complètement, ni chauds. J’étais si fatiguée. Dès le lendemain on m’a annoncé que ma fille avait de la fièvre et qu’il fallait la complémenter. Je devais accepter qu’une puér lui administre cette saloperie à la pipette devant moi car je ne pouvais le faire moi-même. On m’a rapportée l’antiquité des tire-laits dans ma chambre en me disant qu’il fallait que je tire toutes les trois heures pour stimuler ma lactation.

Le ballet des professionnels qui débarquent pour tel examen, tel papier, telle demande… Personne qui me connaissait personnellement et qui pouvait comprendre que j’étais épuisée et voulait vraiment allaiter ma fille. Mais bon, j’ai accouché un dimanche, j’étais accompagnée de ma belle-mère avec son accent espagnol, j’avais 20 ans, j’étais d’origine maghrébine.. On me regardait en se demandant si j’avais envie d’allaiter, si j’avais eu cet enfant par réelle envie, si j’étais cultivée.. Je faisais face aux clichés et aux jugements de ce personnel. On m’a refilé des bouts de seins en silicone, je pleurais parce-que je ne tirais rien au tire-lait, la meilleure chose aurait été que de mettre ma fille au sein le plus possible, mais ça, personne ne semblait l’avoir compris. Mes seins étaient crevassés car je ne sentais pas mon corps après l’anesthésie, donc pas la position de ma fille au sein. J’avais les seins qui commençaient à s’engorger. Au 3ème soir, je pleurais dans ma chambre avec ma fille, j’étais douloureuse de partout. Une SF est entrée dans ma chambre, m’a vue. Elle a dit tout haut : « je savais bien que cette histoire d’instinct maternel n’existait pas ».

Je crois que ce que vous ne savez pas, surtout, c’est à quel point vous enfoncez les jeunes mères sans vous en rendre compte

J’avais envie de lui répondre : je crois que ce que vous ne savez pas, surtout, c’est à quel point vous enfoncez les jeunes mères sans vous en rendre compte. Alors il a fallu que je les rassure. Comme si je n’avais que ça à faire, comme si j’étais suspecte de pleurer après tout l’enchainement de violences que j’avais subi. Comme si personne ne comprenait que mes pleurs venaient de la maltraitance de ce système et non de la défaillance supposée des mères qui ne parviennent pas à être mères. J’ai demandé à ce qu’on ouvre la fenêtre pour avoir un peu d’air frais et aérer ma chambre, j’étais enfermée depuis trois jours, elle m’a répondu : « vous n’allez pas sauter hein ? ». Je n’y avais même pas pensé mais elle venait de m’y faire penser, et ça m’a perturbée encore une fois, pas parce-que j’avais envie de le faire mais parce-qu’elle me pensait capable de ça. Pourquoi ne m’a-t’elle pas dit plutôt : vous êtes forte, vous avez une grande détermination et nous allons vous soutenir pour que vous puissiez allaiter votre bébé comme c’est votre souhait.

Le lendemain, au quatrième jour, cette SF est revenue me voir pour me demander quand je souhaitais sortir. Je lui ai dis que je ne savais pas ce qui était le mieux. Elle m’a dit : on ne vous met pas à la porte, hein ! Okay. Là encore, le bon sens aurait été de me dire de rester car j’étais toujours très faible. Mais le plus important pour eux était que ma fille ait été bien gavée et ait bien repris son poids de naissance. Je suis sortie le vendredi matin. J’étais chez mes beaux-parents dans un premier temps car le chauffage avait été coupé chez nous. J’avais très froid, les seins engorgés. 39,5° de fièvre à 8h le lendemain, je tremblais comme une feuille. J’avais une mastite ou une lymphangite sur le sein droit et il fallait drainer mon sein avec un tire-lait mais je n’avais rien. Ma belle-mère est allée m’en chercher un à la pharmacie (manuel), en râlant. Je faisais de mon mieux pour allaiter et drainer. J’avais peur que ma fille n’ait pas assez à manger. J’ai voulu prendre une douche pendant qu’elle dormait, je me suis écroulée par terre en sortant de la salle de bains, j’ai perdu connaissance quelques minutes. Quand je me suis réveillée je ne sentais plus une partie de mon visage. Je suis retournée me coucher, personne n’a appelé les secours, je suis partie le lendemain matin de chez mes beaux-parents avec la ferme intention de ne plus jamais y remettre les pieds.

En deux semaines j’avais déjà perdu tout le poids que j’avais pris pendant ma grossesse (15kg).

Les emmerdes ont continués auprès des autres professionnels non formés en allaitement et incompétents.

J’ai quand même grâce à ma détermination pu allaiter 5 ans !

Aujourd’hui je suis enceinte de mon deuxième enfant, je voudrais tourner la page de cette naissance, guérir. Je pense que cette blessure n’est pas refermée; J’ai souffert de dépression et de syndrome de stress post-traumatique.

Merci de m’avoir lue, je souhaite encourager toutes les femmes qui traversent des violences obstétricales, toutes les femmes puissantes que nous sommes !