« Elle dit, énervée : allez c’est bon je la fais. Et elle me découpe… »

« Elle dit, énervée : allez c’est bon je la fais. Et elle me découpe… »

« Elle dit, énervée : allez c’est bon je la fais. Et elle me découpe… » 1920 1281 IRASF - Institut de Recherche et d’Actions pour la Santé des Femmes

Vendredi 29 juin 2018, France Info diffuse un témoignage de violences obstétricales pour parler de la remise du rapport du HCE. Abigaëlle, membre de notre groupe Stop à l’Impunité des Violences Obstétricales, témoigne.

Son témoignage étant raccourci pour les besoins de la radio, nous vous proposons de l’écouter puis de le lire en entier.

TÉMOIGNAGE ANONYME #balancetonaccouchement
Accouchement : juin 2018 – CH Montluçon

Le travail a commencé la veille vers 10h du matin, et s’est intensifié en fin de journée, les contractions étaient gérables même si très douloureuses, mais le fait de pouvoir bouger et danser, m’a beaucoup aidé à les rendre supportables. Vers 3h je suis entrée dans une période de « latence » où les contractions se sont calmées, puis elles ont recommencé vers 5h ou les envies de pousser ont commencé, jusqu’à devenir très incontrôlables, rien ne faisais passer la douleur et je n’arrivais pas à l’accompagner, je ne trouvais par de position, et nous avons décidé de partir à la maternité.

Le trajet en voiture a été très difficile. Nous sommes arrivés sur le parking de l’hôpital, j’ai dû faire quelques pauses avant d’y entrer. Nous sommes arrivés à 11h.

Une fois arrivé sur place, un homme nous accueille et nous fait aller en salle de consultation où nous lui expliquons rapidement que le travail a commencé depuis longtemps, je lui dis que je dois aller aux toilettes, il me le refuse, me disant que c’est peut-être la poussée, mais je lui explique que j’ai aussi des selles et que je veux y aller, que la poussée dure depuis un moment mais que ça n’est pas ça qui me donne envie d’aller aux toilettes, mais il refuse.

Il me fait installer sur la table de consultation, mon conjoint m’aide à enlever mon pantalon, l’homme m’ausculte, il ne me parle pas mais hurle dans le couloir prévenir son équipe. Je savais que j’étais à dilatation complète mais lui ne me le dit pas. Dans la précipitation je suis déplacée de la table à un brancard, je ressens l’envie de pousser, l’homme m’ordonne de me retenir. Je suis amenée dans une salle très éclairée, ou l’on me déshabille, personne ne me parle, je refuse qu’on enlève mon soutien-gorge.

Ils préparent tout autour de moi, on ne m’explique rien, on ne me parle pas, juste que je ne dois pas pousser  « ils ne sont pas prêts ». L’homme viens me mettre une perfusion, je l’entends dire « on met le synto » à ses collègues, ils installent le monitoring, encore une fois sans rien me demander.

Puis ils m’obligent à mettre mes jambes sur les étriers, je leur dit que je veux me mettre dans une autre position, que je suis mal sur le dos, que j’ai besoin de me redresser, que sur le dos je fais des malaises et que je ne pourrais pas pousser. On me répond que non, je suis arrivée trop tard, j’insiste, on me refuse, eux ne sont pas préparés pour une autre position.

Ils me maintiennent de force les pieds dans les étriers, me forcent à écarter les jambes.

Ils me maintiennent de force les pieds dans les étriers, me forcent à écarter les jambes. Maintenant ils sont installés, passent leurs mains dans mon vagin, je leur demande d’arrêter, je leur dis qu’ils me font mal, entre chaque poussée je leurs demande d’arrêter de mettre leurs mains dans mon vagin. Je suis courbée, presque en fœtus, pour moi il est évident que je ne pourrais pas pousser comme cela, question de gravité, mon périnée fait « barrière » mais je n’ai pas le droit de bouger. Pourtant je leur explique mais on me maintient de force, m’écartant les genoux pour que je ne bouge pas.

Une femme me parle, me dit que je dois pousser mieux, que je force avec la gorge, je lui répète que je suis sur le dos, que je n’y arrive pas, que je veux me mettre à quatre pattes. Ils me disent que non, continuent de manipuler mon vagin, alors que je leur hurle qu’ils me font mal.

L’équipe parle entre eux, ne communiquent que très peu avec moi. La femme me dit que si je ne pousse pas bien ils seront obligés de « faire intervenir le gynéco », je les entends déjà la prévenir.

Ils percent la poche des eaux sans m’en avertir, c’est mon conjoint qui me prévient, je sens l’eau couler au même instant. Mes poussés sont inefficaces, je n’arrive pas à pousser sur le dos, je leur répète d’enlever leurs doigts qu’ils me font mal mais ils n’arrêtent pas.

Ils m’expliquent que je dois pousser mieux, que je dois me calmer car le monitoring capte mon cœur et pas celui du bébé (qui va très bien), on me « menace » si je ne pousse pas mieux qu’ils feront une épisio, je leur dit que je la refuse « c’est la gynéco qui décide ». Je pousse, ils me disent de prendre mes jambes pour pousser. Je les entends dire que ma fille n’est pas loin mais que le périnée bloque, je leur dis que c’est ma position, que je veux me mettre à quatre pattes mais ils refusent et me bloquent pour que je ne bouge pas.

j’avais prévenu l’équipe que j’avais des problèmes respiratoires qui m’empêchent de forcer sur le dos (au quotidien d’ailleurs). Elle n’en a pas tenu compte alors que c’était un risque dans mon dossier.

La gynécologue arrive, je ne sais pas si elle me parle directement, ils parlent entre eux, ils sortent les ventouses, ils m’avertissent mais ne me demandent pas mon avis, il « essaient » pendant deux poussées mais ne m’accompagnent pas, je continue de leur demander d’enlever leurs doigts lorsque je n’ai pas de contraction, sans réponse.

La gynéco dit qu’elle va faire l’épisio, je lui dis non, elle me répond que si, mon conjoint lui hurle que je refuse, qu’elle ne doit pas le faire, en même temps je hurle que je ne veux pas, la tête était là, je hurle de toutes mes forces pour qu’elle ne la fasse pas, elle dit énervée : « allez c’est bon je la fais » et elle me découpe.

La gynéco dit qu’elle va faire l’épisio, je lui dis non, elle me répond que si, mon conjoint lui hurle que je refuse, qu’elle ne doit pas le faire, en même temps je hurle que je ne veux pas, la tête était là, je hurle de toutes mes forces pour qu’elle ne la fasse pas, elle dit énervée : « allez c’est bon je la fais » et elle me découpe. Ma fille sort, puis ils me la jettent sur le ventre.

Je n’ai pas la force de la regarder, mon conjoint me dit de le faire, mais je ne peux pas. Mon conjoint me dit qu’il est désolé. Puis il part avec notre fille faire les premiers soins.

La gynécologue commence à appuyer sur mon ventre pour faire sortir le placenta, je lui dis d’arrêter, elle me dit de le faire moi même, tire sur le cordon et s’en va. L’homme sage-femme revient, retire sur le cordon et sort le placenta. Je lui demande de le voir, il me le montre et s’en va.

L’équipe sort et rentre, puis l’étudiante sage-femme qui « s’occupait » de moi pendant l’accouchement revient pour faire les points, je lui demande ce qu’elle va faire, elle ne répond pas tout de suite, je dois lui redemander, ils vont anesthésier la zone, et recoudre. Ils commencent à me manipuler, je leur demande d’arrêter. Mon bassin me fait horriblement mal, tout mon vagin est sensible et chaque contact est extrêmement douloureux, ils continuent de me manipuler, de nettoyer, je leur demande d’arrêter, de faire une pause le temps que l’anesthésie fasse effet, mais « non on continue, ce n’est pas pour vous embêter, c’est pour tout le monde pareil »

Ils commencent les points, l’homme et l’étudiante parlent entre eux, je leur dit d’arrêter, qu’ils me font mal , ils ne répondent pas, ou très peu « on a bientôt fini » je leur redemande plusieurs fois s’ils font beaucoup de points, ils ne me répondent pas, je leur demande combien il en reste « c’est le dernier » et je les écoute parler entre eux, ils en font encore, et je répète que c’est insupportable, que la douleur est horrible, oui mais je « ne sens pas l’aiguille » donc ils continuent, les vibrations du fils me donnent la nausée, la douleur est atroce. Mais ils continuent d’appuyer sur mon ventre, et de toucher alors que la douleur est trop forte. Je fini par m’énerver, leur demande qu’ils arrêtent, qu’ils m’avaient dit que les points étaient fini alors qu’ils continuent, « oui mais il en reste ». J’écoute l’étudiante demander des conseils, ils discutent, rigolent entre eux. Je sens clairement les derniers passages d’aiguille.

Dans la salle il y a également une étudiante aide-soignante, c’est la seule qui se présente, elle m’explique qu’elle est étudiante, je m’excuse. Durant les points elle m’accompagne, et me propose de me tenir la main, c’est le seul réconfort que l’on m’a apporté.

Les points sont finis, ils appuient sur mon ventre, je leur dit stop, ils continuent, me disent que c’est pour tout le monde pareil. On me nettoie, mon corps tremble de douleur, je sens mon rythme cardiaque ralentir, mon corps à bout de souffle. Mon corps se couvre de « taches » sur ma peau, sur mes bras, mon visage, des boutons de stress. Ma gorge me fait mal à force d’avoir crié, j’en suis enrouée.

Puis mon conjoint reviens avec notre fille, on me propose de la prendre en peau à peau, je refuse, je lui demande de le faire.

La gynécologue revient, me parle, je ne la regarde pas, elle me demande si je « la boude encore » me dit « bah vous avez eu un bel accouchement ! Et votre fille va bien » je ne réponds pas, j’attends juste qu’elle parte. Et je me mets a pleurer.

Nous sommes laissés en salle de naissance pendant deux heures, ou ils viennent régulièrement appuyer sur mon ventre. La femme qui « m’aidait » pour la poussée nous parle, mon conjoint lui dit qu’on ne m’a pas écouté du tout, elle répond que son expérience lui a appris qu’aucun accouchement ne se passe comme prévu.

Mon regard est tourné vers le vide, je ne regarde pas ma fille, et ne la prendrai dans mes bras qu’une fois rentrée dans la chambre. Je n’ai aucune émotion vis-à-vis d’elle à ce moment-là. Mon conjoint me parle d’elle.

Quelque temps plus tard nous sommes montés dans la chambre, vers 14h.

Je suis arrivée vers 11H, ma fille est née à 11H37. Elle n’était pas en souffrance, la sage-femme qui me verra le lendemain me confirme que les informations données montrent qu’elle allait très bien.

Depuis l’accouchement j’ai des instants d’angoisse, mon corps se bloque, je m’entends à nouveau lui hurler « non » et je ressens la coupure, puis je m’écroule, le cœur serré, à bout de souffle.

Je sui sorti de la maternité le lendemain, je ne pouvais pas rester dans cet environnement. Je n’ai eu aucun accompagnement, pour eux tout était normal. Ils me feront signer une décharge et me menacerons de prévenir les services sociaux.

Les points de l’épisiotomie lâcheront quelques jours plus tard, je finis par retourner à la maternité, ou une interne me refera environ 7 points à vif car l’anesthésie ne fait pas effet. 2 jours après les points lâchent de nouveau, la sage-femme qui me suis me conseille une nouvelle fois de voir à la maternité, et me prends un rdv avec un nouveau gynécologue.

Il me refera, 15 jours après mon accouchement, 3 points, pour « maintenir » la cicatrice afin de voir si elle se referme. Je n’aurais pas supporté les autres points étant apparemment allergique aux fils. Les points me font très mal, alors que je n’avais plus de douleurs. Le soir venu je regarde, un des points me choque, je ne comprends pas pourquoi il est de l’autre côté de mon vagin et « maintient » la peau, refermant le bas de mon vagin. Il faut qu’il soit enlevé, je contacte Ma sage-femme qui accepte d’enlever le premier point qui ne maintient finalement rien, mais refuse de m’enlever les autres. Les jours passent et les points restant me brules, tirent et fendent ma peau. Je refuse de retourner là bas, et je finis par les enlever moi-même, la douleur au niveau de la peau s’arrête.

Aujourd’hui la cicatrice n’est pas complètement refermée et elle est très douloureuse. Je ne reconnais plus mon anatomie et je crains pour la suite.